Tomorrow 09/11, i’ll start my project « What’s in the work, small encouters around the meaning of labour. » – I’ve tested it before, but now, it’s on (thanks to the practical sense of Matthew Searle with a touch of Madeline Bourdenko comments and Dan Peterman’s suggestion).
The idea is to engage into recorded conversations with people on what working means to them.
From these conversations i’ll make a series of leaflets or small books, edited and printed by my not alive nor dead yet publishing house Venus Negra.
Everyone’s welcome tomorrow or wednesday but must contact me via experimentalstation@supergeante.net or DM first.
This is dedicated to Chicago’s hotel workers who are actually on strike, in 25 hotels (included the luxury hotels JW Mariott, the Palmer House Hilton, the Hyatt Regency and the Sheraton Grand). (Here united here local 1 unionists pictured by me, during one of my rare loop walk).
Sasha from Disco No Disco (WHPK 88.5FM) and Peggy (from PBG & la 5e semaine) join forces for an hour of transatlantic musical ping-pong between the Brussels alternative scene and sounds from the almighty city by the lake, Chicago.
La plupart des gens avec qui j’ai des connexions fortes et avec qui j’ai entamé des discussions ou posé des embryons de projets, je les ai tous quasiment tous et toutes rencontrés lors du week-end Chicago art+archives qui s’est tenu à Read/Write Library les 13 et 14 Juillet. Darryl, Ireashia, Marc et donc Sasha Tycko, journaliste, DJ, animatrice radio et éditrice du fanzine The Sick Muse, dédié à la scène DIY de Chicago.
Cela fait quelques années déjà qu’elle anime Disco no Disco une émission consacrée à la culture club, à la musique disco, son histoire et aux genres musicaux historiquement associés. Diffusée sur WHPK, la fierté du South Side, la radio du campus de l’université de Chicago, Disco no disco, diffuse un peu tout ce qui se danse, majoritairement sur vinyle. Elle fait aussi partie du duo The Freak.
Sasha m’a invitée à participer à son émission et je lui ai proposé de faire un ping pong Bruxelles Chicago à diffuser dans les deux villes. Compte-tenu du décalage horaire, nous avons vite renoncé à l’aventure du direct transatlantique. Chicago No Brussels est passé le 04 septembre sur WHPK et le 05 sur radiopanik à Bruxelles.
WHPK est une radio historique du South Side, crée en 1968 et qui a connu différentes périodes de gloire. C’est sur WHPK que les petits Kanye et Common on fait leurs premiers freestyles chez Ken Wissoker. Radio Panik, a une fonction et une histoire rivée à l’underground musical et culturel et la vie associative bruxelloise.
Dans cette première partie de cette petite joute, on s’est un peu éloignées des musiques de danse stricto-sensus, puisque l’idée de l’émission était de faire découvrir des artistes des scènes +/- alternatives/indépendantes des deux villes.
L’émission dure une heure et c’est évidemment une source de frustration absolue. Les scènes musicales des deux villes ont une histoire et un actualité foisonnante. toute sélection étant par définition parcellaire et arbitraire. Il est vite apparu qu’une fois ne suffirait pas donc on remettra le couvert le 27, pour une deuxième Chicago No Brussels.
J’avais prévu de parler de plein de choses, notamment du travail d’archivage de la vie musicale bruxelloise (et belge) faite par Point Culture, mais je n’ai pas eu le temps.
Quand à la playlist, j’ai essayé de répondre au mieux à ce que passait Sasha et en même temps de me faire plaisir (par exemple en passant Pas de deux et leur Cardio Kleptomanie), ce qui fait que je ne suis pas forcément restée dans l’alternatif strico sensus, et que je repars avec un goût de trop peu, car je pense que j’avais préparé franchement de quoi tenir au moins la matinée !
Alan Parsons – Eye in the Sky (speciale CUBS!)
Ono – Fatima Police
Les tueurs de la lune de Miel – J4
Glad rags – u think u
Pas de deux – Cardio Kleptomanie
Hogg – Solar Phalic Lion
Front de cadeaux – Infor drogues
Toupée – Mommy is Mummy
TC Matic – Putain Putain
Blacker face – Back to black
Chouk Bwa & the Angströmer – Electric Mambo
RP Boo – No body
Crête et Paquerettes – Je te tiens en laisse
Mark is also the author of one of the sentences of my favorite sentences collection:
The distinction between art practice and other creative human endeavors is irrelevant to us.
For those not on facebook, here is Mark’s post about our day in Cook County friminal court.
Peg
ps: I recommand Taqueria El Milagro. Both cheap and delicious. For those who know how much i don’t like restaurants, it is more a canteen than anything else and it why i loved eating there.
Une grève nationale des prisonniers ( qui s’est étendue au Canada) a débuté le 21 août. On se rappelle de l »émeute de Lee, prison de haute sécurité dite de sécurité maximum en avril 2018 au cours de laquelle 7 personnes avaient trouvé la mort.
Ce mouvement est dans la continuité de ce qui ne cesse d’être dénoncé depuis des années : l’insécurité permanente dans laquelle vivent les prisonniers, les conditions de détention et l’exploitation de la main d’œuvre, soit gratuitement soit à très faible coût, le manque de soins et de possibilité de préparer sorties et réhabilitation.
La fin de cette grève est prévue pour le 9 septembre, date qui coïncide avec la date anniversaire des émeutes d’Attica. La grève est accompagné d’une liste de dix revendications et est menée avant toute chose par les prisonniers afro-américains et latinos, unis devant le racisme qu’ils subissent dans l’ensemble du système sécuritaire, scolaire et carcéral américain.
Un lien très clair est fait dans les revendications entre le travail gratuit qui leur est imposé et la dégradation générale des conditions de travail des ouvriers et employés.
Il faut rappeler, que les Etats-Unis sont les champions du monde toute catégorie confondue dans ce qu’on appelle l’incarcération de masse, et que malgré la discrétion médiatique, cette grève est un évènement majeur. La majorité des détenus sont incarcérés au niveau des États, et non du Fédéral, malgré les idées reçues. Il y avait en juin 2017, 43 075 personnes détenues en Illinois.
La grève est en partie menée par l’Incarcerated Workers Organisation, la section dirigée par des prisonniers de l’Industrial Workers of the World. L’IWW a été crée à Chicago en 1905.
Une partie du type de recherche que j’ai entrepris nécessite des lieux d’archivages ouverts aux chercheurs indépendants, aux curieux en tout genre, aux artistes et à tout un chacun.
Je dis ça parce que certains centres d’archivage bruxellois, ne sont pas ouverts à tous. Hors du monde académique, pas de salut. Et encore, je n’aborde même pas la question des droits éventuels d’exploitation de ces archives… Bwef.
Chicago est la ville reine des projets d’archivage hors des sentiers battus. Je notamment au Leather archives & museum par exemple.
Plusieurs lieux s’essayent à l’archivage des marges et des archives d’artistes, de militants, d’associations ou de passionnés de musiques, et apprennent en faisant, trouvent des lieux et archivent.
Je n’ai pas encore résolu pourquoi il y a un tel appétit et une énergie de conservation des marges dans cette ville. Mais je trouve ça purement génial, pour une ratte de bibliothèque, c’est un peu le bonheur absolu. Cette archivage passionné, c’est aussi un moyen de visibiliser des positions et discours, de permettre des formes d’histoires de traverse, d’envisager une histoire du quotidien, une histoire d’objets.
Difficile de ne pas penser aux rêves d’Histoire de Philippe Artières, à chaque fois que l’on se voit remettre une boite contenant des documents, qui seuls pourraient être vus comme banals et qui mis bout à bout nourrissent un récit, des représentations et vivent une autre vie, ensuite, sous forme de sources, de témoins, d’illustrations…
. Ces lieux sont des trésors. Ce qui ma fascine le plus, c’est que plusieurs bibliothèques officielles (universitaires ou d’accès public) accueillent également ce genre d’archives familiales ou personnelles.
En gros, l’idée, c’est archivons, étiquetons, il en sortira bien quelque chose. Un lieu génial où il faut que je retourne avant de rentrer en Belgique, c’est la Read/Write library. C’est un peu à dache, vu qu’elle est vers Humboldt Park, mais elle vaut le déplacement. Dans l’esprit, elle me fait un peu penser à la fanzinothèque du Confort Moderne, même si la taille et le financement sont assez différents.
Précédemment appelée la Chicago underground library, c’est bien aussi de la scène fanzine que vient ce projet. On y trouve surtout des livres et des fanzines, des posters, des publications crées par des enfants, ou des prisonniers, des journaux de quartier, des publications groupes de femmes… un peu de tout ce qui s’imprime. C’est une sorte d’infokiosque géant et convivial, où les classes du quartier viennent puiser, mais aussi déposer le fruits de leurs recherches et créations.
Bref, un lieu d’archivage de la vie alternative et militante chicagolaise, un lieu communautaire que Nell Taylor a mis en place et qu’elle porte, avec quelques autres personnes bénévoles et dévouées. (La bibliothèque ouvre du vendredi au dimanche).
Le lieu vise aussi à collecter des traces de l’histoire du quartier en laissant de la place à toutes formes de recueil d’histoire orale. C’est comme ils disent une bibli qu’on lit et qu’on écrit.
Le projet a grandit avec les années et propose aussi une bibliothèque éphémère itinérante (pop up library), un vélo cargo bibliothèque, un club de lecture… Et puis comme il faut bien payer les charges, il est possible de louer le lieu.
Une autre caractéristique intéressante de R/W, c’est la collecte d’écrits, tracts et pamphlets liées aux luttes des personnes incarcérées, comme par exemple les publications du Chicago Prison Industrial Complex (PIC) Teaching Collective ou de black and pink, un mouvement de prisonniers LGBTQ et d’alliés du «monde libre» qui se soutiennent mutuellement.
La semaine dernière, Armani Harris, un jeune homme de 25 ans a été tué par balles à huit cent mètres de là où je loge. Juste à l’entrée du campus de l’Université de Chicago, alors qu’il était arrêté à un feu rouge.
Je suis passée à la veillée commémorative organisée par ses parents, sur Midway.
Plusieurs choses rapides :
– cirque médiatique : aux nouvelles du matin tôt la mort de Mr Harris est présentée comme liée probablement à une activité criminelle. Puis rapidement dans la journée, tout le monde se ravise et évite de sous entendre que les dires des parents statuant de la probité du jeune homme sont en décalage avec la réalité. J’aurai du enregistrer car ces journaux oraux et télé ne sont pas archivés. Le revirement est fulgurant. On insiste alors sur tout les signes de normalité incarnés par le jeune homme : nouvelle voiture, nouveau job, adoption de l’enfant de sa compagne, jeune papa, impliqué dans la vie associative de son quartier de Bronzeville. Bref, the guy next door, tué dans un drive-by dans un endroit habituellement paisible et hypersurveillé (police du campus, sécurité privée, police de chicago) puisque jouxtant le campus.
A la veillée, les seules personnes blanches (c’est important ici de le préciser) présentes sont les journalistes et photographes des journaux locaux (tv et presse papier/online). J’ai un peu honte pour les équipes qui traquent la mère, lui courent après alors qu’elle se met de côté pour reprendre ses esprits et se préparer à répondre à leurs questions. Seul le mec du Hyde Park Herald (Marc Monhagam – un photographe très présent sur les évènements du quartier), le photographe du Chicago Tribune, et l’équipe de CBS font preuve d’un peu de retenue et attendent que les proches de la famille viennent les chercher et que les témoins de la famille soient prêts à les recevoir.
Sur place : pas de représentation de l’université qui depuis hier ne communiquent que sur le fait que Mr Harris n’était pas étudiant chez eux et que les forces de police étaient positionnées à proximité et sont intervenues tout de suite et on fait parvenir immédiatement une alerte de sécurité à tous les étudiants via leur système d’alerte. Mettons cela sur le compte de mon retard, ils sont sûrement venus avant mon arrivée en grande délégation. Essentiellement la famille, des amis et des gens du bloc 1200 et alentours, qui comme moi, viennent simplement soutenir la famille par leur présence anonyme (on est pas des masses), ou dire qu’ils ne veulent pas renoncer face à la violence
Add-on 24/25 : Ce qui ressort de tout mes observations du jour et de ceux qui ont suivi? Surtout le défaitisme et la résignation des habitants, malgré le côté surprenant de cet homicide (le profil de la victime, le lieu etc…) qui jure avec les règlements de compte liés à la drogue (ou aux violences commises par la police) et leurs victimes collatérales qui font la une de la presse chaque lundi. La phrase qui est revenu le plus : c’est Chicago, tu sais.
Vu l’activisme anti-violence, le nombre initiatives, d’associations travaillant sur le terrain de la lutte contre la violence dans la partie Sud de la ville, cette petite phrase pourrait sembler anodine.
Mais plus j’avance dans ma recherche ici, plus cette antienne me semble surtout une sorte de marqueur de la mise à distance qu’opèrent les Chicagolais, au quotidien, cette bulle psychologique collective qui seule leur permet de pouvoir supporter la violence structurelle, quelle que soit les formes qu’elles prenne ici.
Ce qui nous renvoie à ce concept de psychologie sociale de trauma collectif. Un peu comme si tous les gens que je croisent vivent en état d’obusite (shellshock) permanent.
Je ne suis pas naïve au point de ne pas avoir une vague idée de la puissance d’Amazon. Le savoir, c’est bien mais le voir, c’est encore autre chose. C’est mon gimmick du moment. C’est quand on se rapproche de la source que ça devient vertigineux.
Pour ceusses qui en sont encore à Jeff Bezos va tuer mon libraire (mon disquaire…) – vous cachez pas je vous ai vus – , aujourd’hui le A de GAfa c’est des films, du streaming de tout ce qui peut se streamer, des séries, des produits manufacturés (Amazon basics), des serveurs web, du cloud pour les gouvernements, les entreprises et les particuliers, des jobs pourris et d’autres encore plus pourris (Amazon turk), des produits artisanaux (oui), du matériel de surveillance, un système de paiement électronique, un système pour tuer les caissières qui restent (Amazon go), des livres audio, des systèmes d’automatisation industriels, des chips, la marque 365, une plateforme de commercialisation d’oeuvres d’art, etc et tout et plus encore.
Et donc, ici, pas un jour sans Amazon.
Déjà, parce que Whole Foods est le magasin de fruits et de légumes le plus abordable du coin.
J’ai expliqué que j’ai décidé de ne pas adopter le mode de vie américain et de principalement manger ce que je cuisine. Cette démarche de santé relève d’une forme de luxe : il est moins cher, à court terme, de manger n’importe quoi à emporter ou dans un diner de quartier.
C’est forcément tentant, mais les rares fois où j’ai essayé de suivre le flow local, junk food, gras et légumes sans goût, je suis tombée malade et j’ai mis plusieurs jours à me remettre d’aplomb. Pour manger bien dehors, sans que je me retrouve pliée en deux, il faut pouvoir mettre le prix. Et sauf exception, je ne peux pas vraiment me le permettre (et pour ceux qui me suivent depuis longtemps, de toute façon, j’aime pas les restaurants).
Il y a les marchés fermiers-et-des-épiceries-direct-du-producteur mais on arrive vite en explosion de budget, même si certains de ces fermiers acceptent des bons d’aide sociale ou de retraite et font de leur mieux pour être abordables. En fonction des récoltes, ce qu’on y trouve est plus ou moins abondant et mono produit donc jusqu’à présent, je n’ai pas réussit à éviter WF, donc mamazon.
Au Whole Food le plus près de chez moi, au rayon légumes, je vois beaucoup de personnes retraitées, des gens généreux ou ayant des problèmes de mobilité, des jeunes cadres et des ouvriers et secrétaires en pause, bref des gens de tous les âges et milieux du coin, qui viennent tous pour la même raison que moi, simplement essayer de manger correctement aux États-Unis sans en faire un beefsteak.
Comment je le sais ? Parce que je passe mon temps à parler avec les gens dans les rayons de fruits et de légume. On échange en général d’abord sur comment préparer tel ou tel racine ou feuille étrange – j’ai découvert le chou Kale, il y a deux semaines au Build, j’en veux toujours plus.
J’ai plusieurs fois assisté à des échanges entre personnes diabétiques, ici aussi, qui accompagnaient d’autres diabétiques, les assos de patients sont très actives dans le soin par l’assiette ici. Pof, je me mêle de la conversation on se retrouve en général à parler purées et soupes parce que ce sont des recettes à peu près inratables.
Au delà de cette histoire de légumes, Amazon est partout. Je croise des paquets Amazon tours les jours. En bas de mon immeuble et des immeubles voisins. Au moins deux par jours, en général trois ou quatre, y compris les miens, car pour certains produits, je ne sais même pas où aller sinon downtown ou au Nord à 3/4 d’heures en Lyft. Quand j’en parle aux personnes qui habitent des condos ou des hi-rises, les chiffres explosent. Une collègue m’expliquait qu’il y avait un tas d’environ 100 à 150 paquets prime par jours dans l’espace courrier de sa résidence. Sans exagérer. Et qu’elle croisait chaque soir des livreurs prime now dans son ascenseur.
Mais l’actualité d’Amazon à Chicago c’est surtout le projet HQ2.
HQ2 c’est le nom de la future implantation quelque part aux États-Unis du second siège de la compagnie, après celui de Seattle. HQ2 c’est 50 000 nouveaux emplois annoncés sur dix ans et un investissement de 5 milliards de dollars. Les courbettes politiques et cadeaux fiscaux se sont accentués depuis janvier date à laquelle JB a annoncé les dix-sept villes retenues pour accueillir sa nouvelle forteresse. Et donc, Chicago est en bonne place, avec les futurs quartiers de Lincoln Yards (projet immobilier d’où vient l’image d’entête de ce post) ou du 78 dans le Sloop.
Alors concrètement qu’est-ce que ça donne la course amazonienne? Comme toutes les autres courses urbaines modernes, organisation de ludi magni ou de foire à la saucisse artistique, construction d’aéroport ou de gare, ça passe par un ravalement de façade.
Au cours du mois qui a précédé la visite d’Amazon, la ville a procédé à 233 enlèvements de graffitis dans la zone du marché de Fulton.Selon les données de la ville (…) au cours du même mois l’année dernière, seules 14 demandes d’enlèvement de graffitis dans cette région avaient été effectuées. (Chicago Tribune)
Pour la visite d’Amazon, le bureau du maire a fait aussi un joli clip :
Il y a de toutes petites voix réticentes ici ou là dans le milieux des affaires, mais leurs arguments sont parfois…. surprenants ou liés à la peur de la concurrence déloyale (avec raison je pense). Et le CRAIN, un journal dédié aux affaires à Chicago a écrit une lettre d’amour à Amazon , qui n’est pas sans rappeler celle je crois des Yes Men dans les années 2000. Amazon, Amazon Oh Amazon!
Les voix des opposants résonnent globalement dans le néant malgré les poursuites contre la ville et les mobilisations. Parce que Chicago est entré (voir le post sur l’Obama Center – bientôt) dans une phase de redéveloppement assez délirante (la crise écologique ça vous dit quelque chose ?) et ouvre grand ses bras à qui veut. Walgreen’s a déjà répondu à l’appel.
C’est sûr que Chicago en a bien des atouts vu de Seattle. Et c’est le CRAIN qui le dit, pas moi (et là encore difficile de ne pas penser à Andy Bichlbaum.)
Chicago est la ville la moins chère en ce qui concerne le recrutement d’analystes en études de marché, la troisième entreprise la moins chère pour les directeurs des ventes, les responsables marketing et les responsables du transport et du stockage, la quatrième moins cher pour les responsables des ressources humaines, moins cher que Pittsburgh, Denver et Philadelphie.
[Et clou du spectacle, Chi-raq] est
la cinquième moins chère [en fourniture] de responsables informatiques et de systèmes d’information et se situe au milieu du peloton pour la plupart des emplois technologiques de première ligne.
En gros, Chicago est un mega réservoir de main d’œuvre qualifiée et non qualifiée à bon marché. Je n’arrête pas de croiser des travailleurs du South Side ou des « retraités actifs » chauffeurs Uber ou livreurs prime pour compléter leurs revenus. Le pompon pour l’instant c’est Shakela, médecin mère de trois enfants qui conduit après ses heures « pour pouvoir se payer des extra de temps en temps et se barrer du Sud de Chicago ». Maddy, livreuse primenow quand je lui demandais si c’était pas chiant de faire des livraisons après son autre boulot m’a répondu : « honnêtement j’adore les libéraux à vélo, vous me permettez d’améliorer mon quotidien en fonction de mon rythme et comme vous vous sentez coupables vous êtes des bons tippeurs, alors ça me va. »
Màj: J’ai tendance à me plaindre de la disparition de la faune, en ville, mais aussi à la campagne, notamment de la disparition des abeilles et des vers. La présence d’une faune riche et visible comme celle que je croise au quotidien à Chicago, au pays de Monsanto (on est au début de la Corn belt, à une heure à l’ouest de la ville) qui plus est, m’a semblé plus que digne d’un billet.
Parmi les surprises agréables de mon séjour, il y a cette faune urbaine incroyable, que l’on peut croiser dans le quartier, pour sûr, et parfois même dans des zones moins pourvues de parcs, de jardins et de friches qu’ici à l’orée du South Side.
Même le lac aussi surprenant que ça soit est un terrain d’observation de la faune de Chicago. Pas besoin de monter plus au nord, du côté de l’état du même nom pour les pêches miraculeuses sur le lac Michigan. Malgré les métaux lourd. Ceci dit chez les pêcheurs de Jackson park, que je vois en balade régulièrement, le résultat de la pêche est inversement proportionnel au contenu de leur glacière et à celui des grillades qui rôtissent sur les barbecues. Mais il est possible de pécher des poissons chats, des carpes à ce qu’il paraît. Jusqu’à présent, je n’ai pas vu grand chose, le long du shore en tout cas, mais je n’ai sûrement pas été aux bons endroits.
Màj 10/08: en discutant avec des pêcheurs sur le Pier, il s’avère, que le lac, côté Chicago est bien plus poissonneux que je ne l’imaginais, et héberge de nombreuses variétés. Après des années de travail de dépollution, on peut même pêcher sur la rivière Chicago à nouveau.
Je me suis prise au jeu d’essayer d’identifier les insectes et animaux que j’ai pu voir et essayer de les prendre en photo. Jusqu’à présent, il n’y a bien que ce papillon qui a bien voulu se prêter au jeu.
Il me semble qu’il s’agit d’un Eastern Polygona Comma, mais je n’en suis pas sure du tout, car la forme me fait plus penser à un Polygonia Satyrus. Je crois aussi que j’ai vu pas mal de Pieris rapae.
La plus chouette rencontre s’est faite presque à mes dépends quand deux ratons laveurs énormes m’ont coupé le chemin en rentrant d’experimental station à vélo. J’ai manqué la chute épique contre le trottoir de peu, mais j’ai pu constater l’agilité du raton laveur chicagoen, qui slalome aussi bien entre les voitures qu’il monte aux arbres.
Les animaux que l’on croise le plus souvent sont les écureuils gris, mais j’ai eu le plaisir de voir aussi un écureuil volant. Les lapins de garenne ou plutôt des
En début de soirée, il faut baisser la tête pour éviter de se prendre une chauve-souris au radar détraqué. Dans la famille des rongeurs on peut aussi croiser des Tamias (chipmunk).
Tout ces animaux prolifèrent et certains comme les énormes lapins (sylvilagus floridanus) que l’on voit partout sont considérés comme nuisibles. Des services spécialisés s’occupent de les récupérer et d'(essayer) empêcher leur prolifération.
Au niveau oiseaux, pas mal de pigeons et de mouettes de plusieurs sortes, des coucous squatteurs et des colibris. Bien que je n’ai pu en photographier un moi-même, j’ai pu voir à plusieurs reprises des cardinaux rouges. Et je suis sure d’avoir entendu des piverts au travail.
Les insectes sont aussi massivement présents, et font un concert collectif à la tombée du jour et au petit matin. Là non plus je ne suis pas spécialiste mais je pense qu’on entend des cigales, des criquets et des sauterelles et du côté de la lagune de Jackson park, et parfois même au milieu de Hyde park, on voit pas mal de libellules et de coléoptères. J’ai pu voir différentes sortes d’abeilles – le quartier est plein de fleurs – d’araignées, des mouches de différentes couleurs, des pucerons divers et plein de trucs volants dont je ne connais pas le nom … Là aussi, la région doit se battre contre des espèces invasives et destructrices comme les coccinelles asiatiques, les guêpes noires sphecius speciosus et les maisons ont presque toutes des filets anti-moustiques sur les fenêtres.
Màj 14/08: J’ai également vu des cloportes, qui était fréquents à Metz quand j’étais enfant et que je ne vois plus, et cet insecte ci-dessous.
Et tout ça, c’est sans parler de la flore urbaine, riche aussi, ni du maraîchage urbain, ni de ce que coûtent les légumes bruts, qui feront l’objet d’un autre post.
La photo d’entête représente Major Taylor, un champion de vélo sur piste afro-américain, décédé en 1932 à Chicago.
La ségrégation entre le South Side et le reste de la Windy city est grossière jusque dans les moindres détails du quotidien. Je reviendrai sur la question de la mobilité, dans ce pays dédié au déplacement automobile, dans un des 50 billets que j’ai en préparation.
A l’Experimental Station, l’un des lieux hôte de ma résidence on a fait le pari du vélo comme moyen de lutte contre la ségrégation spatiale et comme levier éducatif, avec le Blackstone Bicycle Works. Ils ont même monté une équipe de cyclo-cross, un sport où les afro-américains sont quasiment absents (tout comme dans les autres compétitions sur deux roues. )
Depuis la crise de 2008, le vélo est passé d’anecdotique à un enjeu central dans le South Side. Économique, ce mode de déplacement permet de rejoindre le centre en 45 minutes contre 1h30 en partant du même point en transport en commun. De nombreux habitants du sud de la Ville sont obligés de commuter deux fois par jour pour le travail ou pour les études. Le vélo est donc pour ceux qui ne peuvent ni se permettre une voiture ou les transports en commun, un moyen de survie (voir carte ci-dessous). Même si la ville est quasiment plate, cela représente des efforts considérables si on considère les variations météorologiques extrême (on peut monter jusqu’à 40° régulièrement en été, et les hivers sont très rigoureux et enneigés).
(L’importance de la pratique du vélo s’entend ici sans même aborder les effets positifs sur la santé dans une communauté qui cumule un fort quota de maladies auto-immunes (asthme, diabète, cron etc.), de dépression, et d’autres maladies chroniques dont on sait que le quotidien des patients peut être amélioré par l’activité physique. Mais ça aussi, je suis censée y revenir.)
Mary Wisnievki, reporter au Chicago Tribune et auteure d’une biographie sur Nelson Algren, spécialiste de la mobilité, a mis en évidence en mars 2017, que la police verbalisait différemment les cyclistes afro-américains (du South Side et ceux des autres quartiers noirs au Nord et de l’Ouest). En un an, rien n’a changé sous le ciel de la Chi-City.
Les infrastructures routières sont tout entières dédiées à la voiture, il est donc vital, pour les cyclistes, dans certaines zones, de pouvoir trouver une alternative à la chaussée. Ailleurs les règles concernant le fait de rouler sur le trottoir (l’objet principal de ces amendes) diffèrent donc entre l’État de l’Illinois, qui l’autorise par pragmatisme et la Ville de Chicago.
La politique de la fenêtre brisée et le plan Vision zero (qui vise à reduire les accidents routiers), dans les quartiers à forte criminalité où la police patrouille le plus, explique en partie ces disparités. A ceci s’ajoute selon, les dires de la CPD, les résultats de la guerre à la drogue et d’un plan récent qui vise à profiter des stops ou des feux rouges pour effectuer des fouilles de véhicules et de personnes. La CPD prend en exemple des exactions commises à vélo pour ajouter à son discours des arguments justifiant ses usages discriminatoires à l’encontre des cyclistes noirs.
Pourtant, des études sociologiques ont montré que les incriminations disproportionnées pour des faits mineurs ont un effet délétère sur les relations entre les habitants non criminels et la police. Mais cela n’empêche pas Glen Brooks, un des porte-parole de la CPD, chargé des relations avec le public, d’exceller en langue de bois et arguments fallacieux sur le sujet.
Sachant que c’est surtout le manque d’infrastructures cyclables qui explique la nécessité de rouler sur les trottoirs, surtout sur les grands axes sur sud de la ville, les verbalisations ne peuvent être vues, tout comme l’état lamentable des chaussées, que comme un facteur supplémentaire aggravant la discrimination spatiale. Il ne suffit que de prendre la belle piste du Lake Front qui permet de rejoindre le centre, le Loop en suivant la côte. Elle s’arrête un peu en dessous du South Shore Cultural Center vers la 71th. Quand on roule dans les quartiers de Woodland, ou de Washington park, les pistes cyclables, qu’elles soient de simples indications au sol, ou de véritables pistes séparées, s’arrêtent souvent subitement ou proposent des détours importants. On est loin du confort que l’on trouve dans le Loop, même si les cyclistes doivent faire face à l’occupation par les véhicules en stationnement de leurs pistes.
J’ai découvert Nelson Algren en préparant ce voyage.
Je connaissais l’adaptation de son roman L’homme au bras d’or, sans me souvenir que l’histoire se passait à Chicago.
Jouant un vétéran polonais-américain à la dérive, qui débarque en bus dans le Polonia Triangle après une cure de désintoxication, Sinatra puise dans ses origines de marlou de la famille Genovese pour endosser le rôle de Frankie Machine face à la caméra d’Otto Preminger.
Cette adaptation au cinéma, c’est souvent ce que l’on retient de Nelson Algren, en dehors de Chicago, bien que ce film n’ait pas reçu son approbation, il en dit d’ailleurs bien du mal – à cause de changements dans les personnages et le renversement total de la fin du récit.
En France, on connaît surtout Algren pour avoir été l’amant misogyne de Simone de Beauvoir (voir le recueil du Castor, Lettres à Nelson Algren).
Algren a perdu de sa renommée propre, pour retomber aux États-Unis et en Europe dans les limbes littéraires. Bien que régulièrement réédités, principalement chez Gallimard dans diverses collections mais aussi chez 10/18 et feu 13e note, ses textes sont peu connus chez nous. Mais à Chicago, il est de toutes les librairies et bibliothèques. Tout comme Koltès à Metz, la gloire locale se vit mieux mort (dans les années 60, il était encore impossible de trouver les ouvrages d’Algren à Chicago). Et le livre dont je vais parler maintenant a été activement décrié et détruit sur place, restant longtemps introuvable.
J’ai évidemment lu Chicago, le Ciel et l’Enfer aka Chicago: City on the Make, qui a été publié en français cette année chez Bartillat, et en 1951 en anglais. Le livre sent l’amour de l’asphalte et des bars miteux et recèle une intuition particulièrement fine – et donc désabusée – du devenir de la cité. L’ouvrage est préfacé par son ami Studs Terkel,
Né à Détroit, il grandit à Chicago et y passe l’essentiel de sa vie. Il vole une machine à écrire et passe quelques mois en prison alors qu’il a vingt-quatre ans. Nelson Algren finira sa vie dans l’État de New York après avoir quitté la ville du vent suite au reportage effectué sur le procès de Hurricane Carter pour Esquire. (On retrouve une version romancée de l’histoire de Carter issue de ce reportage qui si j’ai bien compris n’a jamais été publié, dans The Devil’s stockings).
Les citations d’Algren sur Chicago abondent. Mais je crois, qu’au delà des phrases grandiloquentes et fleurant bon le sexisme de base, c’est la façon dont il décrit, en partant de l’histoire des ligues de vertu anti-alcooliques l’hypocrisie globale qui me frappe ici dès les premières déambulations. C’est aussi comment il raconte le scandale des White Sox, en faisant le lien entre cette histoire de tricherie et de pari et le fond de l’air sur cette rive du Michigan. Say ain’t it so, Joe.
Chicago est une ville sécuritaire et bigote, avec des lieux de culte et des policiers à tous les coins de rue, dans laquelle il est interdit de boire de l’alcool dans les parcs, mais où l’on peut faire un feu pour griller des saucisses (après avoir payé un permis si tu as une famille un peu trop nombreuse). Une ville avec des croix sur la façade, des bannières étoilées à en gerber et la plus grande police privée des États-Unis pour garder les étudiants de Rockefeller bien au frais. (La juridiction de l’UCPD s’étend de la 37ème rue au Nord à la 64ème rue au Sud et de l’avenue Cottage Grove jusqu’au lac Michigan, soit environ six miles carrés.) Si tu as 21, pas d’alcool pour toi, mais tu peux traîner dans un bar qui sert de la nourriture si tu ne t’assieds pas au comptoir et tu peux bosser comme un chien à la caisse de chez Walgreens, mais si ton client achète de l’alcool, tu dois appeler un responsable – et flippe dès que le mot bière apparaît même si ta cliente t’assure que la ginger beer est un soda et que c’est marqué dessus (c’est du vécu).
Algren décrit la scène artistique et littéraire des années cinquante de manière féroce. Il y a bien Richard Wright dont il vante le talent, mais qu’il pourfend car il a quitté la ville pour rejoindre la scène germanopratine et essayer d’y montrer patte blanche. Algren, chicagoen voyageur et fin observateur savait que l’écrivain existentialiste bien que devenu français allait ressortir de la traversée encore plus amer.
Le Chicago sans scrupule et ségrégé, toujours à la recherche d’une gratification (sexuelle ou financière) d’Algren n’a pas de mémoire, et balaye sa population, ses bâtiments, au gré du vent venu du lac Michigan. » (…) (P)ourquoi se préoccuper de savoir si dans sa course contre le temps Chicago dégringole ou progresse, tant que la course continue. »
La Windy City, je le comprends maintenant que je suis ici, est bien un « passager ivre qui ne se rappelle pas où il est monté ni à quelle station il doit descendre ». Une ville qui renaît perpétuellement de ses cendres et vit en commercialisant les fantômes de son passé. Qui glorifie ses vieux devenus inoffensifs et dresse des stèles aux lettres dorées à ses morts. Un peu comme Metz, quoi.