Amazon

Je ne suis pas naïve au point de ne pas avoir une vague idée de la puissance d’Amazon. Le savoir, c’est bien mais le voir, c’est encore autre chose. C’est mon gimmick du moment. C’est quand on se rapproche de la source que ça devient vertigineux.

Pour ceusses qui en sont encore à Jeff Bezos va tuer mon libraire (mon disquaire…) – vous cachez pas je vous ai vus – , aujourd’hui le A de GAfa c’est des films, du streaming de tout ce qui peut se streamer, des séries, des produits manufacturés (Amazon basics), des serveurs web, du cloud pour les gouvernements, les entreprises et les particuliers, des jobs pourris et d’autres encore plus pourris (Amazon turk), des produits artisanaux (oui), du matériel de surveillance, un système de paiement électronique, un système pour tuer les caissières qui restent (Amazon go), des livres audio, des systèmes d’automatisation industriels, des chips, la marque 365, une plateforme de commercialisation d’oeuvres d’art, etc et tout et plus encore.

Et donc, ici, pas un jour sans Amazon.

Déjà, parce que Whole Foods est le magasin de fruits et de légumes le plus abordable du coin.

J’ai expliqué que j’ai décidé de ne pas adopter le mode de vie américain et de principalement manger ce que je cuisine. Cette démarche de santé relève d’une forme de luxe : il est moins cher, à court terme, de manger n’importe quoi à emporter ou dans un diner de quartier.

C’est forcément tentant, mais les rares fois où j’ai essayé de suivre le flow local, junk food, gras et légumes sans goût, je suis tombée malade et j’ai mis plusieurs jours à me remettre d’aplomb. Pour manger bien dehors, sans que je me retrouve pliée en deux, il faut pouvoir mettre le prix. Et sauf exception, je ne peux pas vraiment me le permettre (et pour ceux qui me suivent depuis longtemps, de toute façon, j’aime pas les restaurants).

Il y a les marchés fermiers-et-des-épiceries-direct-du-producteur mais on arrive vite en explosion de budget, même si certains de ces fermiers acceptent des bons d’aide sociale ou de retraite et font de leur mieux pour être abordables. En fonction des récoltes, ce qu’on y trouve est plus ou moins abondant et mono produit donc jusqu’à présent, je n’ai pas réussit à éviter WF, donc mamazon.

Au Whole Food le plus près de chez moi, au rayon légumes, je vois beaucoup de personnes retraitées, des gens généreux ou ayant des problèmes de mobilité, des jeunes cadres et des ouvriers et secrétaires en pause, bref des gens de tous les âges et milieux du coin, qui viennent tous pour la même raison que moi, simplement essayer de manger correctement aux États-Unis sans en faire un beefsteak.

Comment je le sais ? Parce que je passe mon temps à parler avec les gens dans les rayons de fruits et de légume. On échange en général d’abord sur comment préparer tel ou tel racine ou feuille étrange – j’ai découvert le chou Kale, il y a deux semaines au Build, j’en veux toujours plus.

J’ai plusieurs fois assisté à des échanges entre personnes diabétiques, ici aussi, qui accompagnaient d’autres diabétiques, les assos de patients sont très actives dans le soin par l’assiette ici. Pof, je me mêle de la conversation on se retrouve en général à parler purées et soupes parce que ce sont des recettes à peu près inratables.

Au delà de cette histoire de légumes, Amazon est partout. Je croise des paquets Amazon tours les jours. En bas de mon immeuble et des immeubles voisins. Au moins deux par jours, en général trois ou quatre, y compris les miens, car pour certains produits, je ne sais même pas où aller sinon downtown ou au Nord à 3/4 d’heures en Lyft. Quand j’en parle aux personnes qui habitent des condos ou des hi-rises, les chiffres explosent. Une collègue m’expliquait qu’il y avait un tas d’environ 100 à 150 paquets prime par jours dans l’espace courrier de sa résidence. Sans exagérer. Et qu’elle croisait chaque soir des livreurs prime now dans son ascenseur.

Mais l’actualité d’Amazon à Chicago c’est surtout le projet HQ2.

HQ2 c’est le nom de la future implantation quelque part aux États-Unis du second siège de la compagnie, après celui de Seattle. HQ2 c’est 50 000 nouveaux emplois annoncés sur dix ans et un investissement de 5 milliards de dollars. Les courbettes politiques et cadeaux fiscaux se sont accentués depuis janvier date à laquelle JB a annoncé les dix-sept villes retenues pour accueillir sa nouvelle forteresse. Et donc, Chicago est en bonne place, avec les futurs quartiers de Lincoln Yards (projet immobilier d’où vient l’image d’entête de ce post) ou du 78 dans le Sloop.

Alors concrètement qu’est-ce que ça donne la course amazonienne? Comme toutes les autres courses urbaines modernes, organisation de ludi magni ou de foire à la saucisse artistique, construction d’aéroport ou de gare, ça passe par un ravalement de façade.

Au cours du mois qui a précédé la visite d’Amazon, la ville a procédé à 233 enlèvements de graffitis dans la zone du marché de Fulton.Selon les données de la ville (…) au cours du même mois l’année dernière, seules 14 demandes d’enlèvement de graffitis dans cette région avaient été effectuées. (Chicago Tribune)

Pour la visite d’Amazon, le bureau du maire a fait aussi un joli clip :

Il y a de toutes petites voix réticentes ici ou dans le milieux des affaires, mais leurs arguments sont parfois…. surprenants ou liés à la peur de la concurrence déloyale (avec raison je pense). Et le CRAIN, un journal dédié aux affaires à Chicago a écrit une lettre d’amour à Amazon , qui n’est pas sans rappeler celle je crois des Yes Men dans les années 2000. Amazon, Amazon Oh Amazon!

Les voix des opposants résonnent globalement dans le néant malgré les poursuites contre la ville et les mobilisations. Parce que Chicago est entré (voir le post sur l’Obama Center – bientôt) dans une phase de redéveloppement assez délirante (la crise écologique ça vous dit quelque chose ?) et ouvre grand ses bras à qui veut. Walgreen’s a déjà répondu à l’appel.

C’est sûr que Chicago en a bien des atouts vu de Seattle. Et c’est le CRAIN qui le dit, pas moi (et là encore difficile de ne pas penser à Andy Bichlbaum.)

Chicago est la ville la moins chère en ce qui concerne le recrutement d’analystes en études de marché, la troisième entreprise la moins chère pour les directeurs des ventes, les responsables marketing et les responsables du transport et du stockage, la quatrième moins cher pour les responsables des ressources humaines, moins cher que Pittsburgh, Denver et Philadelphie.

[Et clou du spectacle, Chi-raq] est

la cinquième moins chère [en fourniture] de responsables informatiques et de systèmes d’information et se situe au milieu du peloton pour la plupart des emplois technologiques de première ligne.

En gros, Chicago est un mega réservoir de main d’œuvre qualifiée et non qualifiée à bon marché. Je n’arrête pas de croiser des travailleurs du South Side ou des « retraités actifs » chauffeurs Uber ou livreurs prime pour compléter leurs revenus. Le pompon pour l’instant c’est Shakela, médecin mère de trois enfants qui conduit après ses heures « pour pouvoir se payer des extra de temps en temps et se barrer du Sud de Chicago ». Maddy, livreuse primenow quand je lui demandais si c’était pas chiant de faire des livraisons après son autre boulot m’a répondu : « honnêtement j’adore les libéraux à vélo, vous me permettez d’améliorer mon quotidien en fonction de mon rythme et comme vous vous sentez coupables vous êtes des bons tippeurs, alors ça me va. »

Voilà où finit mon gauchisme.

C’est bien, c’est bientôt le labor day.

Chicago’s Potential Amazon HQ2 Site Looks Unreal
https://www.amazon.jobs/en/locations/chicago

http://www.78chicago.com/

Maybe Chicago Doesn’t Need Amazon’s HQ2
Why Chicago is the best answer to Amazon’s talent challenge